Mélenchon est égal à lui-même et aucun ne peut en être surpris. Ce politicien social-démocrate, formé par le trotskysme lambertiste de l’OCI (comme Jospin), se délecte de jouer le bateleur, maintenant avec une plus grande exposition. Tour à tour, selon le media qui l’interroge, il met en avant son « populisme » ou des prises de position radicalement de gauche.
Mais derrière le brouillage, deux positionnements fondamentaux demeurent.
En 2005, comme Fabius, il s’est posé en leader du « non de gauche » à la constitution européenne, seulement à ce projet là. Car en 1992, chantre zélé de Maastricht, qu’il qualifiait au Sénat de « bon compromis de gauche », Mélenchon révélait son adhésion profonde à l’UE du capital.
Depuis 2008, il a la dent dure pour ses camarades de sa maison-mère le PS qu’il a quittée et qui l’a nourri grassement. Mais il s’applique à tout ramener aux échéances institutionnelles de 2012 (la « révolution par les urnes ! ») et à la gauche unie, forcément avec ses anciens amis.
On comprend que les media valorisent autant le personnage depuis quelques mois. Lui et son groupe de transfuges sont la meilleure voiture balais à « gauche » que le PS et les forces de l’alternance peuvent imaginer. Ce sont aussi de bons instruments pour étouffer toute remontée de la grande organisation politique, historiquement au service du monde du travail, le PCF.
Mais pourquoi la direction du PCF a-t-elle choisi de rendre possible cette opération en le propulsant avec le « Front de gauche » ?
Mélenchon n’a pas caché son jeu. Il veut faire une OPA sur le PCF. Son projet est de constituer un parti de gauche, façon Linke, ou, à défaut, une coalition de gauche qui effacerait progressivement le PCF. Admirateur inconditionnel de Mitterrand, celui qui annonçait qu’il prendrait trois millions de voix aux communistes, Mélenchon est maintenant prêt à dire une messe en mémoire de Georges Marchais. Pour faire peuple, il donne dans la grossièreté, ce qui montre combien, à l’opposé de Georges, il méprise profondément les travailleurs.
En contribuant à faire perdre au PCF la moitié de ses conseillers régionaux en 2009, il a bien commencé avec le « Front de gauche ».
La direction du PCF semble en redemander. La direction, pas les communistes.
Rappelons que la constitution du « Front de gauche » s’est faite en conciliabule avec Mélenchon, sans contenu ni projet, en novembre 2008, parallèlement au 34ème congrès du Parti. La plupart des congrès départementaux était déjà passée. La proposition de résolution parlait de « constructions unitaires avec des cadres, des fronts, des alliances adaptés aux contenus portés et aux échéances affrontées », pas de « Front de gauche ».
Le « congrès » extraordinaire de juin 2010, anti-statutaire, en évitant de soumettre un texte à l’amendement des communistes, a confirmé ce choix et a décidé d’aller plus loin encore en adoptant le principe de candidatures communes aux élections de 2012.
Voilà maintenant les communistes enfermés dans une sorte de primaire pour les présidentielles, aussi lamentable que dans les autres partis, dans une resucée de l’épisode des Collectifs antilibéraux, alors que s’exprime si fortement dans les luttes le besoin du PCF.
Au « congrès » de juin, André Chassaigne était le plus opposé à une candidature présentée par le PCF et même ce que l’on fixe une date pour la désignation par les communistes d’un « candidat du PCF à la candidature ».
A la fête de l’Huma, il se porte candidat lui-même. Il le fait en son nom propre sans que le CN du PCF donne son avis. Mais il est invité à parler en vedette au meeting de Japy le 8 novembre et est poussé par les premiers dirigeants. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Mélenchon ou Chassaigne, Chassaigne ou Mélenchon, un « ticket » avec les deux dans le cadre d’un accord combinant présidentielle et législatives ?
Dans tous les cas, c’est le « Front de gauche » à la place du PCF.
Dans tous les cas, c’est l’alignement sur la gauche social-démocrate préparant une nouvelle gauche plurielle. Chassaigne est connu (et le revendique, comme à Japy) pour être un partisan de l’alliance de toute la « gauche » derrière le PS. Depuis 30 ans, on a pu mesurer à quoi conduisait la stratégie prétendant « tirer le PS à gauche ».
Dans tous les cas, c’est prendre les choses à l’envers et concentrer l’attention des communistes non sur les luttes, non sur les propositions communistes mais sur l’échéance institutionnelle. Le programme « partagé », partagé avec la mouvance de la « gauche non communiste », habille la chose.
Le « Front de gauche », c’est bien l’alignement derrière le PS, l’effacement des positions communistes, la dilution du PCF avant sa transmutation. Les refondateurs, qui la souhaitent depuis longtemps, ne s’y trompent pas en se préparant à le rejoindre. Mélenchon est l’instrument efficace, même s’il demande beaucoup en échange, de cette opération qui se situe dans la droite ligne de la « mutation » et de la « métamorphose » du Parti voulues par les directions depuis au moins le Congrès de Martigues.
Nombreux sont les communistes qui sentent le danger et voient les pièges, notamment pour les présidentielles.
Au « congrès » extraordinaire, le texte alternatif « Face au capital, le peuple a besoin du PCF » a posé la nécessité, dans les conditions précises, d’une candidature présentée par le PCF sur des positions communistes, élaborées par les communistes.
Aujourd’hui, continuons à prendre les choses dans l’ordre et à rester sur le fond. Il ne s’agit de rentrer dans le jeu et de dénicher un moindre mal, un sauveur qui se présenterait, en dehors du Parti, sur quelques affirmations identitaires doublées de positions ambiguës.
Il s’agit de porter les positions communistes qu’appellent les luttes, de continuer à faire vivre et renforcer les organisations du PCF sur ces bases, de faire monter le plus largement l’exigence de la candidature y correspondant pour ces moments du combat que sont les élections.
Et, dans la période, ce peut difficilement en être d’autres qu’une candidature PCF.
Nous reproduisons ci-dessous l’analyse portée par le texte alternatif pour le « congrès » extraordinaire de juin 2010, « Face au capital, plus que jamais notre peuple a besoin du PCF » sur la question des élections. L’opération Mélenchon, les choix de la direction du PCF renforcent son actualité.
un point d’appui irremplaçable pour les luttes : le vote communiste
Des élections cantonales auront lieu dans la moitié du pays en mars 2011. Après notre congrès de juin 2011, des élections sénatoriales se tiendront en septembre, puis les présidentielles et législatives en avril et juin 2012.
Pour les communistes, les luttes sociales ne s’opposent pas au moment électoral, les élections étant une étape dans le combat politique. Le développement des luttes doit pouvoir trouver un débouché politique, c’est tout le sens et la spécificité du vote communiste. Le mouvement populaire et toutes celles et ceux qui luttent aujourd’hui seraient plus forts avec un PCF plus influent, avec davantage d’élus communistes. Ils sont un point d’appui incontournable pour le développement des luttes et leur convergence.
Ne pas semer d’illusions pour 2012 !
L’établissement du quinquennat en 2000 a renforcé la polarisation de la vie politique autour de l’élection présidentielle. Le premier objectif recherché par les partis de l’alternance était de laisser des périodes de 5 ans aux gouvernements sans sanction populaire possible par les urnes. Le second était de réduire la vie politique à une élection bipolarisée et biaisée par le choix d’un individu.
Adversaire depuis l’origine de l’élection du Président de la République au suffrage universel, le PCF doit continuer à dénoncer avec force ce système dans le cadre de ses propositions de réformes des institutions.
La personnification du pouvoir et de sa politique est mise en scène à outrance derrière la figure de Nicolas Sarkozy. Ses méthodes personnelles y contribuent.
Mais nous devons nous opposer à ce que l’aspiration au changement de politique se réduise à l’objectif de battre Sarkozy en 2012et même à celui de battre la droite. C’est nécessaire mais loin d’être suffisant.
Ne renvoyons pas tout au rendez-vous électoral de 2012 ! L’alternative politique part des luttes de 2010 et de 2011.
Ne cultivons pas d’illusion sur la « nouvelle ère politique, sociale et démocratique » qui pourrait s’ouvrir en 2012 ! Elle est inimaginable à partir de l’unité derrière le PS des formations de gauche et des Verts.
L’idée prétendant peser pour « tirer à gauche » la social-démocratie en allant avec elle a montré qu’elle aboutissait au contraire à notre alignement sur elle comme caution de gauche et à notre décrédibilisation. Nous nous souvenons de la période 1997-2002 et de l’état dans lequel en est ressorti le Parti.
Aussi préparer un « projet de gouvernement » pour l’après 2012 avec le « Front de gauche », c’est aller dans la même impasse. Bien sûr, le PCF a besoin d’un programme qui mette en cohérence ses axes de lutte, ses propositions et son projet révolutionnaire.
Mais nous avons tiré les enseignements du programme commun de gouvernement, combien il avait favorisé le PS et détourné les travailleurs du premier lieu de la bataille politique, les luttes.
De surcroît, il ne s’agit plus d’ici 2012 avec le projet du Front de gauche, de jouer un rôle majeur dans un futur gouvernement, comme on l’imaginait dans les années 70, mais celui d’une force d’appoint. Cette démarche reproduit donc l’expérience en pire en canalisant électoralement à gauche vers le PS et en faisant le jeu au sein du Front des éléments non communistes, Mélenchon en tête.
Annoncer dès maintenant une candidature présentée par le PCF
C’est dans l’ensemble de ce contexte, à côté de notre action prioritaire dans les luttes, que nous devons envisager la candidature que nous soutiendrons aux présidentielles. Même malgré nous, la question est déjà posée, omniprésente. Nous n’y échapperons pas, d’autant moins que la démarche du « Front de gauche » a déjà placé Mélenchon dans l’orbite de 2012 et qu’il ne manquera pas un instant de nous le rappeler.
En premier lieu, notre réflexion n’a de sens qu’en relation avec nos axes de luttes que l’élection doit prolonger et avec la perspective politique que nous portons.
Cela implique déjà d’écarter toute hypothèse de candidature unique de la gauche, derrière la social-démocratie.
Les méfaits du système présidentiel s’étendent à toute la vie politique. A la « gauche de la gauche », nous avons déjà vécu avant 2007 la concurrence lamentable que se sont livrée plusieurs « personnalités ». Pour 2012, Mélenchon n’est pas le seul prétendant sur les rangs.
Cette logique de « concours de miss » rabaisse le combat politique à des combines politiciennes et laisse en définitive la décision aux sondages et à la complaisance des media.
Après l’échec interminable et paralysant des « Collectifs antilibéraux », la candidature tardive, presque à contre cœur de Marie-George Buffet, candidate de la « gauche populaire antilibérale », alors en congé de direction du PCF, en 2007, a abouti au désastre que l’on sait.
On l’a vu aussi plus haut, la question de l’affirmation du PCF, en tant que tel, est également une question majeure, contre le processus d’effacement. Nous refusons que des élections servent de moyen pour forcer un processus de recomposition politique effaçant et affaiblissant le PCF et son expression.
Pour toutes ces raisons, dans cette situation précise, notre parti doit annoncer la présence d’une candidature du PCF, de rassemblement, aux présidentielles de 2012, dont il choisira le nom au congrès ordinaire de juin 2011.
Pour les mêmes raisons, pour les élections cantonales et législatives, dans le respect des prérogatives statutaires des organisations du Parti, nous nous prononçons pour des candidatures de rassemblement, communistes ou apparentées, présentées par le PCF.
L’existence d’un groupe communiste à l’Assemblée nationale est un enjeu primordial. Le nouveau règlement a ramené à 15 le nombre d’élus nécessaire pour constituer un groupe. Il n’y a plus aucun prétexte possible pour que le groupe où siègent actuellement les députés communistes ignore toute référence communiste et fasse la part belle aux Verts.
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