Archive | 22 janvier 2010

Suppressions d’emploi dans les trois fonctions publiques, casse du statut avec la « mobilité », projet de loi Chatel contre les lycées…

S’unir pour faire reculer le pouvoir en 2010 !

En 2009, la défense des services publics a constitué un point fort du développement de la convergence des luttes. Elle a été au centre des journées de grève et de manifestations géantes des 29 janvier et 19 mars. Une mobilisation s’étendant à toute la communauté hospitalière a affronté la loi Bachelot, adoptée à la faveur de la diversion des élections européennes, et se consolide contre son application. La population a exprimé massivement, par millions, son opposition à la privatisation de La Poste, où se développent aujourd’hui des dizaines de luttes locales contre les « restructurations ». Pour ne citer que ces exemples.

Redoutant la coïncidence des luttes, le gouvernement a reporté son attaque contre les lycées. Elle revient cette année, à peine ripolinée, avec le projet de loi Chatel visant à dégrader l’offre publique d’enseignement, à creuser les inégalités entre établissements…


A nouveau en 2010, 36.000 suppressions de postes de fonctionnaires d’Etat, dont 16.000 à l’éducation nationale sont programmées, 6.000 dans les hôpitaux. 135.000 emplois auront été détruits depuis 2007 : une véritable saignée !

 

C’est à la fois le symbole et l’instrument majeur d’une politique de sabotage des services publics de l’Etat. L’application de la loi prétendument sur la « mobilité » des fonctionnaires en est un autre, cassant un pan du statut de la fonction publique et remettant en cause la garantie de l’emploi. La réforme territoriale, complétant une décentralisation dévoyée, va accentuer la pénurie de moyens, la remise en cause des missions publiques.

La mise en échec du plan de suppressions d’emploi, la défense du statut, l’opposition au projet de loi Chatel, bien sûr la question des salaires peuvent être, dans la multiplicité des attaques tous azimuts, des axes fédérateurs en 2010 des luttes de chaque secteur de la fonction publique contre la casse de ses moyens et de ses missions.

Pour commencer à gagner, à inverser cette politique.

Les prétextes avancés par le pouvoir pour justifier sa politique n’en finissent pas de tomber. Malgré le support massif des media à sa botte, il ne gagne pas la bataille des idées.

 

Comment justifier de supprimer des postes d’enseignants alors qu’il en manque déjà et que le nombre d’élève va augmenter ? Au lieu des gains de productivité annoncés, c’est purement la disparition de missions de service public, par exemple avec la casse de la DGCCRF (répression des fraudes).

Le dogme du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne repose sur rien de rationnel. Même Philippe Seguin avait constaté qu’il s’agissait d’une disposition «dictée par des considérations budgétaires de court terme », résultant d’une « démarche purement quantitative » avant de dénoncer le « renchérissement des coûts » lié à l’externalisation de missions au privé.

L’argument de la soi-disant « contrainte budgétaire » tient encore moins après une année de distribution de milliards d’euros aux banques, aux grands groupes privés, au nom de la « crise ».

Juste quelques chiffres éloquents :

Le coût de la guerre en Afghanistan derrière l’OTAN et les USA est prévu à hauteur de 396,7 millions d’euros en 2010, exactement ce que représente la suppression des 16.000 postes dans l’Education nationale.

Le « bouclier fiscal » qui a profité aux plus riches des riches de récupérer 578 millions d’euros (en 2008), soit à peu de choses le déficit fabriqué des hôpitaux publics (575 millions en 2008 – moins en 2009) au nom duquel on ferme structures de proximité, services, emplois…

La baisse de la TVA sur la restauration prive l’Etat de 2,4 milliards d’euros par an pour un bénéfice négligeable sur l’emploi et les salaires. Le gouvernement a accordé un plan d’aide de 6 milliards d’euros aux firmes automobile qui délocalisent de plus bel.

Toujours plus exorbitantes : les exonérations de cotisations sociales patronales atteindront 33,2 milliards d’euros en 2010 !

Les objectifs réels de la RGPP, la « Révision générale des politiques publiques », de la loi sur la mobilité, de la réforme territoriale… sont ailleurs.

Faire récupérer au patronat et au capital des milliards d’euros en cadeaux fiscaux et exonérations.

Externaliser, privatiser toujours plus de nouvelles activités pour nourrir le profit privé, aux dépens du service public. L’attribution du suivi de 320.000 chômeurs pour 470 millions d’euros à des cabinets privés et autres firmes d’intérim, aux dépens du pôle emploi, tourne au scandale. Pour les « libéraux », une activité à l’hôpital public est un coût mais la même dans une clinique privée, c’est un élément du chiffre d’affaires !

Casser les références sociales que comporte le statut de la fonction publique pour tous les salariés du public et du privé.

Casser l’esprit de service public, les principes de neutralité des agents, d’égalité de traitement, de gratuité qui sont antinomiques avec les « valeurs » de la loi du profit. La dégradation extrême des conditions de travail, de la santé au travail, suivant l’exemple de France Télécom résultent grandement du dévoiement du sens du service public. Pensez qu’un service spécial a été créé aux impôts pour solliciter les riches qui ne pensent pas à profiter de leur « bouclier fiscal ». La culture, la recherche fondamentale, les investissements à long terme comptent parmi les premières victimes de cette logique marchande.

Pour toutes ces raisons, les luttes de la fonction publique, de l’ensemble des services publics concernent les salariés du privé, du public, les retraités, les lycéens, les étudiants, peuvent et doivent rassembler très largement.

En cassant le service public, c’est les bases du développement social et économique de notre pays, de son « modèle » social que le gouvernement veut saper.

Les possibilités d’unité d’action contre les suppressions d’emploi, pour l’Education nationale, contre la casse des statuts, avant la nouvelle attaque générale prévues contre les retraites, sont considérables.

Communistes, nous consacrons tous nos efforts à cet objectif. Tout est fait, notamment par la personnification du pouvoir avec Sarkozy, pour détourner l’attention vers des combinaisons politiciennes en vue de 2012.

Pour nous, l’alternative politique se trouve d’abord, actuellement dans les luttes, dans la construction des convergences d’action, de l’unité des travailleurs à la base que les échéances électorales doivent, seulement ensuite, relayer.

 

 

 

ENCADRE:

Le gouvernement fait pression pour imposer sa logique aux collectivités territoriales : la subir ? Y résister, comme les communistes le proposent ?

Ou la devancer, comme Jean-Paul Huchon, président de région sortant d’Ile-de-France :

Extrait de son livre de 2008 « De battre ma gauche s’est arrêtée » :

« Il faudra quand même, un jour, oser poser la question de la régionalisation de l’Education nationale. Je sais bien que je brise, là, un tabou fondamental de la gauche, mais on vient de nous confier les personnels techniques, on va certainement nous confier dans la foulée les personnels administratifs, c’est-à-dire les intendants et les personnes qui font tourner la boutique, qu’est-ce qui empêche que l’on nous confie les professeurs dès lors qu’il existe toujours des programmes élaborés au plan national par une cellule de prospective intelligente de l’Education ? Franchement, je ne vois rien qui puisse s’opposer à cette mutation ! » – p 125

« Il n’y a aucune raison que des milliers de fonctionnaires de la recherche relèvent de l’Etat » – p 137

Qu’est-ce qui peut bien justifier que la municipalité de Bertrand Delanoë externalise la collecte des ordures dans 3 nouveaux arrondissements, supprime 58 emplois dans les services du nettoiement ?

Sarko d’un côté, Chérèque, Aubry… de l’autre: retraites : ne rien céder dans la bataille idéologique qui reprend!

Défense des retraites : ne rien céder dans la bataille idéologique qui reprend!

Le pouvoir a programmé la prochaine étape du démantèlement du système de retraite solidaire par répartition pour le second trimestre 2010, juste après les régionales. Sarkozy l’a annoncé.

Le débat a rapidement démarré. Le pouvoir cherche visiblement à préparer l’opinion publique à de prochains sacrifices. Dans ce cadre, dirigeants politiques et syndicaux commencent à se positionner.  

Dans les Echos du 8 janvier, François Chérèque, secrétaire de la CFDT, invite à remettre en cause le système même : « il faut être lucide : le système créé en 1945 n’est plus adapté ». On se souvient comment déjà en 2003, la CFDT a ouvertement accompagné la loi Fillon 1. Elle récidive. Comment les acquis sociaux qui étaient possibles dans la France en ruines de 1945 ne le seraient plus aujourd’hui ? Chérèque n’y pense pas tant il est soumis aux tenants de l’idéologie dominante. Les pistes qu’il met en avant méritent d’autant plus d’attention et de méfiance.

Il n’écarte pas, tout au contraire, la retraite par points. Ce système est entièrement défavorable aux salariés. Il revient à compter sur le même plan toutes les années de carrières, même les plus mauvaises, alors que le calcul se fait encore sur les 25 meilleures années dans le privé. Quant à la valeur du point, à sa revalorisation éventuelle, elles pourraient être fonction de la situation des caisses et du bon vouloir de leurs gestionnaires. Danger extrême !

Chérèque ne s’émeut de la remise en cause de la retraite à 60 ans que pour les ouvriers qui ont commencé à travailler tôt. Autant dire qu’il se déclare prêt à des négociations de complaisance sur, par exemple, la pénibilité, pour acter une régression générale. Le laissera-t-on servir de cheval de Troie au nom de l’unité des centrales syndicales ?

Les déclarations de Martine Aubry à la radio le 17 janvier ont à leur tour semer le trouble. Dans une de ses réponses, elle a ouvertement envisagé le report de l’âge du droit de départ à la retraite de 60 à 61 voire 62 ans. Elle a ainsi lâché que le PS acceptait l’un des aspects probables de la contre-réforme à venir de Fillon-Sarkozy, avec l’allongement de la durée de cotisation (41 ans en 2012, etc.) et le détournement d’argent public vers des aides à la capitalisation sur les marchés financiers.

Il y en a assez d’entendre parler du « tabou de la retraite à 60 ans » que les media nous invite à transgresser comme un interdit sexuel. De qui se moque t-on ?

Au centre de la question des retraites, il n’y a qu’un élément : la volonté du patronat de remettre la main entièrement sur ce qu’il a dû céder en 1945 : le système solidaire entre salariés actifs et retraités, la part du salaire socialisée, autrement dit la cotisation sociale (les fameuses « charges »). C’est toujours dans l’intérêt du patron, du capitaliste de payer moins de salaire, au travailleur individuel, comme aux travailleurs collectivement. Les travailleurs et leurs représentants n’ont aucune raison de l’accepter.

Au fil des exonérations de cotisations patronales, dont le gouvernement Jospin et Martine Aubry, au nom des compensations des 35 heures, portent une responsabilité écrasante, avant d’avoir ouvert la voie à la droite, les patrons vont profiter en 2010 de 33 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales dont la moitié de cotisations vieillesse.

Cela fait bien plus que le déficit pour 2009, pourtant année de « crise ».

La défense de la cotisation sociale, lien solidaire entre les travailleurs actifs et retraités est au cœur de la défense de notre système. Il n’y a pas à transiger !

Si les taux sont insuffisants pour garantir le pouvoir d’achat de nos aînés, il faut les monter au lieu d’alimenter les profits et les dividendes des nantis, en commençant par remettre en cause les allègements qui n’ont alimenté que les profits mais créé aucun emploi (voir même les rapports de la Cour des comptes de feu Philippe Seguin).

Il est d’une importance capitale, notamment pour les communistes, dont l’apport fut décisif dans la conquête de notre système de retraite, d’être intransigeants.

Les dernières années ont montré la profondeur des interrogation au sein de la direction de la CGT et notamment du responsable aux retraites, Jean-Christophe Le Duigou, économiste qui se dit plus marxiste mais « keynésien ».

L’objectif, affiché par la CGT, d’une retraite à 60 ans avec un taux de remplacement de 75% pour tous est tout à fait louable. Mais comment est-il financé si la référence au travail, aux années de cotisations, aux 37,5 ans sont abandonnés ?

Il n’est de création de richesse que par le travail, de revenu légitime pour les travailleurs que par le salaire. C’est la base de notre système. Qui va payer les sommes correspondant aux années d’études, de formation, comme c’est proposé ?

L’expérience des grandes luttes de 2003, puis de celles pour les régimes spéciaux que le pouvoir avait la nécessité d’abattre pour reprendre l’attaque sur le régime général, a suscité un trouble chez beaucoup de camarades cégétistes. Sur le fond et sur la forme.

Pourquoi ces journées d’action si espacées en 2003 ? Pourquoi cette recherche de l’unité avec la CFDT malgré les désaccords de fond ? Pourquoi en 2007, cette acceptation, venue d’en haut, de négociations sur la base de la remise en cause de l’essentiel des régimes spéciaux, notamment des 37,5 annuités ?

Le débat, les interrogations sont revenus au récent congrès de la CGT à propos de la « maison commune » des retraites proposée par Le Duigou devant le risque de rabaissement à un plus petit dénominateur commun, de la  déconnection entre retraite, cotisation et travail. 

Ces débats sont ouverts dans le monde syndical comme politique. Ils sont d’actualité et même pressants.

La « crise » et la chute des bourse aura montré à quel point la capitalisation, prélevée sur le salaire net, est un leurre même au niveau de l’Etat avec le Fonds de réserves pour les retraites qui accuse 12 milliards d’euros de moins-values.

Mais sur cet aspect, comme sur les autres, la bataille idéologique ne fait que commencer et va se tendre.

Communistes, nous saurons être fidèles aux acquis de nos anciens. Parce qu’ils sont plus actuels et progressistes que jamais !

Droit à la retraite au plus tard à 60 ans pour tous ! Retour au calcul sur les 10 meilleures annuités de 37,5 ! Financement centré sur la cotisation sociale, entièrement rétablie 

Le cas espagnol est, sur bien des points, précurseur avec la « Gauche unie » effaçant le PCE, du « Front de gauche » en France. Au bout de 23 ans, le résultat est accablant pour le PCE. La stratégie électoraliste, même parée de « radicalité » et « d’anticapitalisme », a conduit a détruire l’organisation de classe et de masse, dont les travailleurs, le mouvement syndical, le pays ont besoin. Des signes de réveil communiste, de renforcement du PCE, contre IU, annoncent une évolution encourageante.

 L’expérience Izquierda Unida n’a laissé aux communistes espagnols qu’un désert

Article d’AC  pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

            9 mars 2008, le soir des élections législatives, le verdict tombe: 3,8% pour Izquierda Unida (la « Gauche unie »), encore moins qu’en 2004. Alors que la crise du capitalisme touche de plein fouet les travailleurs, que le PSOE poursuit sa dérive libérale, IU s’écroule.

Soutien inconditionnel au PSOE localement mais silence sur la politique libérale qu’il mène nationalement, appareil d’élus pléthorique mais absence dans les mouvements sociaux, mouvement « unitaire » mais sans autre organisations à unir que le Parti communiste d’Espagne (PCE) tout en pratiquant une chasse aux sorcières contre les communistes : Izquierda Unida a poussé toutes ses contradictions à leur paroxysme.

L’expérience Izquierda Unida (« Gauche unie »), après 23 ans d’existence, semble avoir fait son temps.

En son sein, les « anti-communistes » menés par l’ancien leader de IU, Gaspar Llamazares, parlent de fonder un nouveau mouvement politique, « La Gauche » ou « La Nouvelle Gauche » qui couperait définitivement les ponts avec le passé communiste.  Les « communistes » essaient de sortir le PCE du piège dans lequel il s’est enfermé avec IU.

Entre les deux, une bonne partie de l’appareil s’accroche aux tentatives de refondation d’IU engagées par son coordinateur général, Cayo Lara et encouragée par le Parti de la gauche européenne (PGE).

Le 18ème congrès du PCE en novembre 2009 a confirmé une évolution vers la reprise d’autonomie mais sans trancher définitivement. Les membres du PCE resteront-ils prisonniers d’une formation qu’ils ont eux-mêmes créée, enfermés dans les calculs politiciens, les perspectives électoralistes et les projets de recomposition politique à la remorque de la social-démocratie?

Comment en est-on arrivé là? L’expérience espagnole ne peut que retenir l’attention des communistes français. 

Au début était l’eurocommunisme 

            Au sortir de la dictature, le Parti Communiste d’Espagne incarne le parti de la Résistance, il est un parti de masse (plus de 200 000 militants en 1977) et un parti de classe, lié organiquement au syndicat des Commissions Ouvrières (CC.OO) dont le secrétaire-général est alors le dirigeant communiste Marcelino Camacho. 

Mais en particulier sous l’impulsion de son secrétaire général, Santiago Carrillo, le PCE va vite embrasser un nouveau cours, clairement réformiste.

Cette évolution s’inscrit dans le mouvement eurocommuniste, promu par l’Italien Berlinguer et dont Carrillo va se faire le théoricien avec son livre Eurocommunisme et Etat. Les partis communistes sont invités à se démarquer radicalement des régimes socialistes d’Europe de l’Est jusqu’à les condamner. Carrillo les incitent à participer de manière constructive à la création d’une autre Europe, à renoncer à la perspective de rupture révolutionnaire pour faire le choix du dépassement réformiste du système capitaliste, à privilégier pour cela le champ des institutions, à concentrer leurs efforts sur les échéances électorales et sur la lutte parlementaire, à rechercher une hégémonie sur ce terrain, dans la pratique, par la participation aux exécutifs locaux et nationaux dans le cadre de l’union de la gauche.

Ce bréviaire du réformisme va inspirer la ligne du PCE de 1978 à 1982, et va aboutir, paradoxe apparent, à un désastre électoral. Alors que Carrillo avait lancé la « rénovation » du PCE pour décoller électoralement, il contribue à l’affaiblir dramatiquement. Ayant obtenu près de 10% des voix en 1977 et 1979, le parti tombe à 4% en 1982. L’échec de Carrillo emmène à son remplacement en 1982 par Iglesias, la suite de ses dérives à son expulsion en 1985. Carrillo doit alors mener son projet à bien à l’extérieur du PCE. Il fonde un nouveau Parti avec une fraction du clan dirigeant eurocommuniste, le Parti des Travailleurs d’Espagne, qui est un échec cuisant. La direction du nouveau parti rejoint en bloc le PS, excepté Carrillo, à cause de son engagement communiste antérieur.



Comment les militants communistes ont été trompés par la nature du projet Izquierda Unida


            Carrillo avait entrepris la mutation idéologique du PCE ses successeurs vont engager la transformation, autant dire le dépassement de l’organisation PCE elle-même.

Critiques de gauche de Carrillo (les radicaux dont Iglesias et Anguita) et critiques de droite (les rénovateurs) se rejoignent sur un point: le PCE est arrivé au bout de son histoire, une nouvelle formation devait naître de ses cendres. Prenant pour arguments le mauvais résultat de 1982 et la signature d’un appel par une dizaine d’organisations pour la sortie de l’Espagne de l’OTAN en 1986, la direction du PCE lance une plate-forme unitaire de gauche. Les organisations signataires décident de concourir ensemble aux élections législatives suivantes. Izquierda Unida-IU est née.

Pour calmer les craintes des militants du PCE de voir leur parti disparaître, la direction du PCE développe l’argumentation suivante :

-                    IU est présentée comme une coalition électorale et non une nouvelle organisation politique, les partis conservant leur autonomie organisationnelle. Ils ne sont censés se rassembler que de manière ponctuelle et conservent le droit de sortir de la coalition. Renforcement organisationnel du parti et rassemblent électoral derrière IU ne seraient pas contradictoires.

-                    IU est présentée comme la réponse à la nécessité d’une dynamique unitaire. Les élections de 1982 ont nourri une pédagogie du déclin: le parti serait trop faible pour peser tout seul, pour rassembler des voix. La dynamique unitaire se transformera en dynamique électorale qui permettra d’atteindre une masse critique permettant de faire basculer le centre de gravité de la vie politique espagnole à gauche. Peu importe que IU n’ait pas de définition idéologique ni de but clair, l’important c’est le mouvement, aller de l’avant.

-                    L’indépendance par rapport au PS. IU, assurent ses promoteurs, ne sera pas un appendice du PS, ni sa caution de gauche. Il maintiendra son autonomie, critiquera le PS nationalement quand cela est nécessaire, refusera de dépendre de lui localement pour conquérir des places institutionnelles. Les seules alliances possibles seront ponctuelles et basées sur un contenu.

Ce discours rassure mais il est déjà marqué par la centralité de la question électorale et par l’absence totale de toute référence aux luttes. Héritiers en cela de l’eurocommunisme de Carrillo, les fondateurs d’IU vont auréoler leurs visées institutionnelles et électorales d’une phraséologie radicale et anti-PSOE.

De la coalition électorale à la création d’une nouvelle organisation politique

Izquierda Unida est lancée pour les élections de 1986, mais obtient un mauvais résultat (4,63%). En 1986, Izquierda Unida est bien unitaire, elle peut sembler radicale. Mais unie autour d’un projet de société clair et alternatif, elle ne l’est pas et ne le sera jamais. Il suffit de voir la composition même de la coalition: monarchistes alternatifs et républicains de gauche, « marxistes-léninistes » ayant quitté le PCE et rénovateurs qui y sont restés, humanistes et sociaux-démocrates: Izquierda Unida est un fourre-tout d’organisations groupusculaires, tout sauf une organisation révolutionnaire.

 Bien que le PCE représente 9/10ème des membres de Izquierda Unida, les autres organisations servent d’alibi à la participation électorale sous une autre bannière que celle du parti. L’illusion unitaire ne perdurera pas. Entre 1987 et 1989, quatre des sept organisations fondatrices quittent la coalition, craignant que celle-ci ne porte atteinte à leur autonomie. Elles voient juste, à l’approche des législatives de 1989, Izquierda Unida est transformée en un « mouvement politique et social » et récupère l’ensemble des compétences politiques et électorales, et à terme toutes les compétences des partis fondateurs. Une organisation politique parallèle au PCE est ainsi créée. IU n’a déjà plus rien d’une simple coalition électorale.


Un moteur purement électoral et institutionnel

Et le résultat électoral remporté par IU va étouffer toute contestation au sein du PCE: plus de 9,07% en 1989 et 17 sièges, 9,55% en 1993 et 18 sièges et enfin 10,54% et 21 sièges en 1996. Entre temps, le parti réalise un score historique aux européennes de 1994 avec 13,44% des voix.

Izquierda Unida est à son apogée, mais son succès, purement électoral, est dû – outre l’attrait pour le nouveau et l’illusion unitaire – à la conjonction de deux facteurs conjoncturels exceptionnels: le niveau de la colère contre le gouvernement social-libéral de Felipe Gonzalez et la personnalité charismatique du leader de IU, Julio Anguita. Le maire de Cordoue parle bien et ne mâche pas ses mots, il peste contre les socialistes et sait prendre un langage de lutte. Il devient même, un temps, la personnalité politique préférée des espagnols.

Sur un point aussi, Anguita est inflexible : l’indépendance par rapport au PS. IU ne conquerra aucune municipalité si elle doit dépendre du PS, elle ne taira pas son opposition. Anguita reprend la théorie italienne du « sorpasso ». Selon lui, il existerait deux gauches en Espagne: une social-démocrate et réformiste, et une autre radicale et révolutionnaire. La dynamique de rassemblent anti-capitaliste portée par IU permet d’envisager le dépassement électoral (sorpasso) de la gauche social-démocrate par la gauche radicale. Une fois que la gauche radicale aura pris le leadership de la gauche espagnole, elle imposera son programme et ses idées à l’ensemble de la gauche.

Mais quel programme de IU, quelles idées? Unis autour du plus petit dénominateur commun idéologique (la gauche) et galvanisés par une perspective électoraliste et institutionnelle (le sorpasso): IU n’est ni la gauche radicale ni la gauche révolutionnaire décrite par Anguita.


Un château construit sur du sable: démolition de l’organisation du PCE et épuisement de la dynamique électorale 

Cet « âge d’or » d’Izquierda Unida cache la réalité la plus préoccupante. IU rompt le lien entre les communistes et le mouvement ouvrier et l’organisation communiste entame sa décomposition.

Les dirigeants communistes historiques sont écartés du syndicat des CC.OO et sont remplacés par des nouvelles têtes apolitiques (réformistes). L’organisation du PCE à l’entreprise disparaît tandis que les effectifs du Parti fondent (à peine plus de 50 000 militants à la fin des années 1980). En déstructurant le PCE, IU sape, paradoxalement, les bases de son succès. Le recul du PCE, seule organisation de masse à la fondation de IU, seule organisation restante au début des années 2000, ne peut qu’aboutir à l’affaiblissement électoral de IU. IU se révèlera être un château construit sur du sable.

Anguita a-t-il sciemment démoli l’organisation du PCE pour mieux pouvoir liquider un parti qui faisait obstacle à son rêve d’un nouveau mouvement radical et anti-capitaliste? Rien n’est moins sûr diront ces partisans. Pourtant, en 1994, il est avéré que Anguita avait préparé un discours annonçant la dissolution du PCE devant les militants réunis lors de la fête du PCE. Seules les réticences exprimées par une partie de la direction de IU et du PCE, craignant une rébellion de la base, l’a contraint à faire marche arrière. Dans le même temps, l’opposition affichée d’Anguita aux positions liquidatrices exprimées par le courant Nouvelle Gauche, dont les leaders rejoindront en 1997 le PSOE, lui donnent la légitimité de dirigeant « communiste » d’Izquierda Unida.

Dans la période suivante, le roi est nu face au redressement du PSOE et au retournement des médias. Le PS se refait une virginité politique dans l’opposition à partir de 1996 tandis que les médias accusent Anguita, avec sa rhétorique anti-PSOE, d’avoir facilité l’arrivée au pouvoir par Aznar et le Parti populaire. C’est la théorie de la « pince », Gonzalez, le socialiste, pris dans la tenaille d’Anguita, le radical de gauche, et d’Aznar, l’homme de droite.

Izquierda Unida ne s’en remettra pas. Aux Européennes de 1999, le score est divisé par trois par rapport à 1994 (5,77%). Aux législatives de 2000, le résultat est catastrophique (5,45%). Affaibli également par des ennuis de santé récurrents, Anguita cède la main sur un constat d’échec. Il laisse à son successeur, Gaspar Lllamazares, le soin de redéfinir la stratégie d’IU.


La boucle est bouclée


L’illusion du « sorpasso » s’est effondrée : IU ne concurrencera jamais pas le PSOE sur son terrain électoral. Succès électoral en feu de paille, PCE en ruine : IU ne survit plus que par son appareil d’élus, en péril.

Du coup, Llamazares opère, logiquement, un virage à 180 degrés. IU est structurellement amenée à se ranger inconditionnellement derrière le PSOE : soutien aux politiques social-libérales du gouvernement Zapatero dès 2004, participation aux exécutifs locaux socialistes afin de consolider ses positions institutionnelles. Dans le même temps, Llamazares contractait des alliances régionales contre-nature avec des formations écolo-nationalistes en Catalogne et aux Asturies, enfoncé dans des calculs opportunistes.

La boucle est bouclée, le discours présenté aux militants du PCE en 1986 est contredit point par point. La dynamique s’est essoufflée depuis longtemps. D’unité il y en a plus depuis le départ de tous les groupes et groupuscules opportunistes (le PASOC et Gauche Républicaine quittent IU en 2001 et 2002). La coalition électorale est devenue parti politique supplantant le PCE. Enfin, la conception d’IU s’est révélée conduire de l’indépendance proclamée par rapport au PSOE à la soumission inconditionnelle.

Ce dernier virage ne fait que discréditer davantage IU qui baisse encore en 2004 (4,96%) et en 2008 (3,77%). Llamazares déjà affaibli lors des « primaires » de 2007 où il ne réalise que 62% des voix face à la secrétaire du Parti Communiste du Pays Valencien, Marga Sanz est renversé lors de l’Assemblée Fédérale de 2008 où la ligne « Renforçons le Parti Communiste d’Espagne » l’emporte avec 44%. Cayo Lara qui s’inscrit plutôt dans la lignée historique de Julio Anguita succède à celui qui était perçu par les communistes comme un liquidateur et un anti-communiste.

Mais ce changement est encore bien loin de marquer le « renforcement du PCE » tant le bilan est sans appel: 22 ans de IU ont laissé un désert.


Comment renforcer le PCE dans le désert laissé par IU ? 

Car le PCE est, au début des années 2000, plus affaibli que jamais. A peine 10 000 militants dans tout le pays (12 000 aujourd’hui), dont la moitié pour l’Andalousie où l’organisation a moins souffert grâce au maintien d’une ligne communiste. IU a coupé le PCE des luttes sociales et des lieux de travail. Exemple extrême, les militants communistes ne pouvaient même plus participer aux manifestations avec le drapeau du PCE sous peine d’exclusion. L’enchevêtrement des deux organisations parallèles – PCE et IU – a créé des situations inextricables et cocasses, nuisant dans tous les cas à la vitalité du Parti communiste. Dans certaines régions (Asturies et Castille-Leon par exemple), les fédérations d’IU en sont arrivées à expulser les fédérations communistes qui les avaient elles-mêmes créées!

Au XVIIème Congrès du PCE, la direction du parti prenait acte de la dérive social-démocrate d’IU et tirait le bilan des erreurs commises au nom de l’unité. Le Parti a apporté son soutien aux fédérations communistes malmenées par les appareils d’IU, annoncé la récupération de l’ensemble des compétences du PCE, exceptées les élections. Un processus de reconstruction du PCE est engagé.

Depuis 2005, le PCE tente de se réimplanter dans les entreprises, impulse et participe aux luttes des travailleurs. Le travail effectué dans certaines régions (Andalousie, Pays Valencien, Castille-Léon etc.) porte ses fruits en termes de croissance des effectifs militants et de revitalisation des organisations de base.

Le XVIIIème Congrès qui s’est tenu en novembre 2009 a confirmé cette orientation mais toujours sans sonner l’heure de la sortie d’Izquierda Unida.

 

Mais le débat est enfin ouvert, porté notamment par plusieurs membres de la direction nationale du PCE et le journal La Republica. Les bouches s’ouvrent. Aussi difficile soit-il, le bilan de vingt-trois ans de démolition de l’organisation communiste commence à être tiré. Des anciens camarades reviennent. La rupture avec IU, et non la transformation de IU, la priorité absolue à accorder aux luttes et au renforcement de l’organisation apparaissent de plus en plus comme des nécessités.

Aujourd’hui, alors que le modèle libéral espagnol, promu par les gouvernements socialistes et conservateurs successifs, est en crise, que la colère des travailleurs espagnols monte face au chômage massif, aux gels des salaires, à la casse des acquis sociaux, à la précarisation du travail, le mouvement social est au plus bas et la paix sociale est paradoxalement assurée par les deux syndicats, le socialiste UGT, et l’ancien syndicat communiste passé entre les mains des réformistes, les CC.OO.

cartel_CRISIS_PCE.png Les militants du PCE ressortent leur drapeau de la poche, réinvestissent le terrain des luttes, reparaissent aux portes des entreprises. La direction du PCE a lancé la campagne de masse « Pour que les travailleurs ne paient pas la crise » qui a permis au parti de renouer avec le terrain revendicatif.

Il a organisé une manifestation nationale à Madrid le 12 décembre dernier. Les communistes sont toujours là, mais ils ont perdu 23 ans. L’état du mouvement ouvrier et de la lutte des classes en Espagne s’en ressent durement.

Tout cela au nom de « l’Izquierda Unida », de la « Gauche Unie » dépassant, non le capitalisme, mais la lutte des classes et le parti communiste.

Par Vive le Parti Communiste Français

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